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Flash Info : Covid-19, Etat de cessation des paiements et délai de 45 jours

Flash Info : Covid-19, Etat de cessation des paiements et délai de 45 jours

Mise à jour des ordonnances n°2020-560 du 13 mai 2020 (modifiant l’ordonnance “délais” n°2020-306 du 25 mars 2020) et n°2020-596 du 20 mai 2020 (modifiant l’ordonnance “Droit des Entreprises en difficulté” n°2020-306 du 25 mars 2020)

Etat de cessation des paiements et délai de 45 jours, attention aux effets pervers de la perception des mesures de soutien aux entreprises. Elles induisent un attentisme de nature à compromettre la pérennité de l’entreprise et à engager la responsabilité du dirigeant. 

En synthèse Dans le contexte exceptionnel de l’état d’urgence sanitaire, le délai de 45 jours à compter de la survenance de l’état de cessation des paiements pour demander l’ouverture d’une conciliation, d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation judiciaire court à compter :

  • du 23 août 2020 – et expire donc le 7 octobre 2020 – lorsque l’état de cessation des paiements survient entre le 13 mars et le 23 août 2020 ;
  • du 23 juin 2020 – et expire donc le 7 août 2020 – lorsqu’il avait commencé à courir avant le 12 mars 2020.

Les statistiques démontrent que l’entreprise est plus à même d’assurer sa pérennité avec la mise en oeuvre de procédures de prévention ou de traitement des difficulté lorsqu’elle n’est pas état de cessation des paiements ou lorsqu’il est intervenu depuis moins de 45 jours.

La pérennité de l’entreprise impose donc de ne pas perdre sa vigilance relativement à ce délai sous l’effet des annonces de mesures de soutien aux entreprises. Ces dernières constituent des mesures d’endettement qui, même pétries des meilleures intentions, ne permettront pas de pallier aux graves insuffisances de chiffre d’affaires liées non seulement à la période de confinement mais également aux effets de la récession sur la consommation.

Par ailleurs, compte tenu des sanctions encourues par le dirigeant en cas de non-respect du délai, la distinction selon que l’état de cessation des paiements est survenu avant ou après le 12 mars 2020 est de taille.

 

La survenance de l’état de cessation des paiements d’une société fait courir un délai de 45 jours dans lequel le dirigeant doit obligatoirement, selon la situation de l’entreprise, régulariser une demande de conciliation, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

Le contexte du Covid-19 a motivé des mesures de préservation des entreprises avec l’intention de limiter les impacts de l’épidémie et des mesures prises pour en limiter la propagation sur leur situation économique et financière (activité partielle, report des charges sociales et des impôts directs, report de l’exigibilité des factures d’eau et d’énergie, report des loyers, prêts BPI et prêts garantis par l’État (PGE), défiscalisation des abandons de créances de loyer pour susciter des accords amiables entre bailleurs et preneurs, etc.). Au-delà des dispositifs gouvernementaux, les banques et établissements financiers accordent facilement des reports d’échéance sur les contrats en cours.

Cette intention se traduit dans l’ordonnance n°2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation du droit des entreprises en difficulté dans le refus de prendre en compte l’aggravation de la situation financière du débiteur qui interviendrait entre le 12 mars et le 23 août 2020 (ci-après la « Période de Protection »). Ainsi, l’article 1 I 1° dispose que l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur au 12 mars 2020 et ce, pendant toute la Période de Protection.

Ainsi, si l’entreprise n’était pas en état de cessation des paiements au 12 mars 2020 et que l’état de cessation des paiements survient pendant la Période de Protection :

  • le délai de 45 jours ne courra qu’à partir de la fin de ladite Période et expirera le 7 octobre 2020 ;
  • aucun redressement ou liquidation judiciaire ne pourra être ouvert sur assignation d’un créancier ou sur saisine du ministère public pendant cette Période ;
  • le débiteur pourra demander une procédure de sauvegarde – alors que celle-ci est en principe exclue en cas d’état de cessation des paiements.

Si les entrepreneurs, en particulier à la tête d’activités qui n’ont pu être exploitées du fait de l’interdiction d’accueillir du public, sont particulièrement inquiets pour la reprise après déconfinement et anticipent des pertes importantes, l’ensemble de ces mesures semble toutefois induire un attentisme dans la mise en œuvre de démarches qui pourraient pourtant être, dans certains cas, salutaires.

En effet, les statistiques montrent que les entreprises qui mettent en oeuvre des procédures avant la survenance de l’état de cessation des paiements (Mandat ad hoc, sauvegarde, conciliation) ou entre sa survenance et l’expiration du délai de 45 jours (conciliation) ont nettement plus de chance d’aboutir à un accord ou à l’homologation d’un plan. Ainsi, en moyenne,

–70 à 80% des mandat ad hoc et conciliations aboutiraient à un accord

–55% des Sauvegardes aboutissent à un plan

–27% des RJ aboutissent à un accord / plan.

La mesure de l’actif disponible et du passif exigible à intervalles réguliers est donc clef pour prendre les décisions de mise sous protection du Tribunal suffisamment en amont et, donc, pour la survie de l’entreprise.

Par ailleurs, la préservation de la responsabilité personnelle des dirigeants commande que l’attentisme évoqué plus haut ne dégénère pas en défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal.

En effet, il faut rappeler que la responsabilité personnelle du dirigeant peut être engagée s’il ne respecte pas ce délai de 45 jours. Ce non-respect constitue en effet une faute de gestion pouvant fonder une condamnation à combler le passif de la société ou l’interdiction de gérer pendant une durée pouvant aller jusqu’à 15 ans, privant l’entrepreneur de toute ressource personnelle et de toute perspective de rebond.

Or, tant sur le plan de la pérennité de l’entreprise que sur celui de la responsabilité du dirigeant, l’ordonnance du 27 mars 2020 n’est pas aussi protectrice qu’elle peut le laisser percevoir.

En effet, l’article 1 I 1° de l’Ordonnance précise, en faisant référence (i) à l’article L 631-8 du Code de commerce et (ii) à la fraude, que l’absence d’état de cessation des paiements au 12 mars 2020 n’est pas exclusive d’une fixation de la date de cessation des paiements à une date permettant ensuite d’ouvrir la voie aux nullités de la période suspecte voire aux sanctions évoquées plus haut.

Ensuite, avant même la crise du Covid-19, de nombreuses entreprises étaient déjà en difficulté et l’attentisme évoqué plus haut a conduit certains dirigeants à, délibérément ou non, occulter que le délai de 45 jours concernant leur entreprise avait commencé à courir avant le 12 mars 2020.

Or, les dispositions de l’ordonnance du 27 mars 2020 ne concernent pas les entreprises qui se trouvaient déjà en état de cessation des paiements au 12 mars 2020. Les dirigeants concernés doivent donc être d’autant plus vigilants à cet égard que la perspective du déconfinement n’est, selon toutes les analyses, pas porteuse d’un quelconque rattrapage en chiffre d’affaires et en trésorerie ni, a fortiori, d’un espoir de sortie de l’état de cessation des paiements.

Pour ce qui les concerne, c’est à l’article 1 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais et à l’adaptation des procédures qu’il faut se référer. Celui-ci prévoit notamment que les actes prescrits par la loi qui doivent avoir été accomplis à peine de sanctions entre le 12 mars et 23 juin 2020 sont réputés avoir été faits à temps s’ils sont effectués dans le délai légalement imparti pour agir à compter de la fin de cette période, dans la limite de deux mois.

Dès lors que le délai de 45 jours qui aurait commencé à courir avant le 12 mars 2020 n’a pas été adapté par un texte spécial et qu’il est prescrit à peine des sanctions évoquées plus haut, sa computation est aménagée par l’ordonnance du 25 mars 2020. Ainsi, si on prend l’exemple d’un délai de 45 jours qui aurait commencé à courir le 29 février 2020, celui-ci expire en principe le 15 avril, donc entre le 12 mars et le 23 juin 2020. Dans ce cas, par l’effet de l’ordonnance du 25 mars 2020, le délai de 45 jours court à compter du 23 juin. Il expirera donc le 7 août et non pas le 7 octobre comme celui qui aurait commencé à courir entre le 12 mars et le 23 août.

Compte tenu de l’incertitude majeure sur la reprise des activités, il est indispensable pour maximiser les chances de retournement des entreprises et pour éviter la mise en oeuvre de leur responsabilité personnelle que les dirigeants soient particulièrement vigilants quant à leur reporting :

  • en faisant mensuellement l’exercice bilantiel de la mise en regard de l’actif disponible (solde créditeur du compte bancaire + découvert autorisé restant à tirer + factures clients mobilisables) et du passif exigible (tous engagements dont l’échéance est dépassée à l’exclusion de ceux modifiés par un moratoire écrit) ;
  • en notant la date limite de l’expiration du délai qui diffère, ainsi qu’il est exposé plus haut, selon que l’état de cessation des paiements est survenu avant le 12 mars ou entre le 12 mars et le 23 août 2020).